Au départ, il était une musique traditionnelle, jouée le soir de la saint-Jean sur toute la côte de Bretagne jusqu’y compris en Vendée, afin de conjurer la disparition de la nuit. Une musique sans instrument construite sur le détournement des ustensiles de cuissons qui servaient aux festins, les marmites du kig ha farz, les chaudrons des ragouts des mariages.
Aujourd’hui, avec Elsa Ferret nous nous réapproprions ces non-instruments de musique dans un geste musical cathartique, une sorte de grand carnaval, ou le temps n’est plus linéaire, une musique jouée et dansée à l’envers, la musique du solstice d’été jouée en s’approchant du solstice d’hiver. Nous jouerons et danserons les Vaisseaux du Chaos pour conjurer l’approche de l’hiver avec un gamelan d’une douzaine de bassines toutes différentes, mais un gamelan non tempéré. De même que cette musique traditionnelle n’est qu’un vrombrissement au creux duquel surgit une fondamentale souterraine, une des rares musique traditionnelle faite de bruit, notre gamelan en tant que gamelan de casseroles sera non tempéré, les dinandiers ne se s’étant pas souciés d’accorder leurs bassines. Imaginez un gamelan breton surgissant après l’apocalypse de Léandro : quinze gongs défiants toutes les lois de la musiques dans un geste de folie joyeuse et carnavalesque, dans le grand désastre de l’écho de nos vaisseaux.
L’idée de ce détournement d’un détournement m’est venue en assistant à des concerts de la saint Jean à Questembert, où ces ustensiles de cuisine sont utilisés afin de jouer la seule musique traditionnelle atonale et bruitiste que j’ai eu l’occasion d’entendre. Sans vouloir reproduire cette musique associant un drone puissant avec d’infernales stridences, je me suis emparé de ces instruments comme autant d’instruments de percussion. La fabrication artisanale par martelage/dinanderie induit que chaque bassine est un objet unique et que l’instrumentarium ne pourra jamais former un orchestre accordé.
La musique que nous déployons avec ces instruments s’oriente autour de deux pôles, l’utilisation percussive des instruments comme autant de gongs et le drone.
Dans l’état actuel du projet la musique est entièrement acoustique. Elle demande un espace assez grand, sans délimitation nette avec le public. Pas d’électronique, pas de câble cela entraine une dimension spatiale, une approche performative voir dansée, d’où l’envie de partager le jeu avec Elsa Ferret…
Le premier concert à eu lieu au festival Entrelacs à Berivanel le 1er aout 2021.
Les enregistrements ont été réalisés lors d’une résidence à La Générale du XIVe, laboratoire artistique, politique et social en Janvier 2023.
Photos Céline Harlet