Steinkohle n° 1301, nom de code donné par la Wehrmacht à un de ces « bâtiments spéciaux » (Sonderbauten) planifiés pour assurer la poursuite des activités de défense et de production, en dépit des attaques aériennes des Alliés. En l’occurrence, Steinkohle n° 1301 est l’ancienne carrière de pierre, de Caumont, une carrière d’extraction de calcaire à grain fin ayant servi à la construction de Rouen et Paris depuis l’antiquité. Commencée à ciel ouvert, elle a agrandi le réseau karstique, pour devenir une gigantesque carrière souterraine. Elle a été choisie pour y installer une usine cachée de production d’oxygène liquide. Ce combustible était utilisé comme comburant pour les fusées-bombes supersoniques V2 (pour Vergeltungswaffe 2, ou arme de représailles n° 2). Les travaux furent stoppés en juillet 1944 devant l’avance militaire des Alliés : l’usine resta inachevée, certaines entrées de la carrière souterraine furent bouchées.
Steinkohle n° 1301, la vidéo (2016-2018).
Un même processus est à l’œuvre tant pour l’image que pour le son : Les images d’archives ont été re-projetées sur les parois et les murs de l’usine pour être re-filmée. De même la musique a été diffusée dans la carrière et réenregistrée avec l’empreinte de réverbération propre à cet espace avant d’être réintégrée à la vidéo.
Les sons sont en partie issus de l’aventure spatiale française, recueillis au CNES, par Eric Cordier dans le cadre de sa résidence artistique.
Exposition :
Animés par un même intérêt pour la préhistoire et les techniques spatiales, j’ai rencontré Raphael Dallaporta au CNES. La vidéo est présentée dans le cadre de l’exposition « Ventre » à la galerie La Terrasse (Nanterre), de Février à Mai 2019.
Les films d’archives :
La vidéo est constituée de plusieurs sources : Un film d’archives montre le tir d’une fusée V2. Le banc d’essai VII (Test Stand VII) était le principal centre d’essai pour le lancement des V2. Il était installé à Peenemünde, à l’extrême Nord-Est de l’Allemagne. La V2 est un missile balistique supersonique développé par l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Il fut lancé à plusieurs milliers d’exemplaires en 1944 et 1945, principalement sur Londres, Anvers et, subsidiairement, la région parisienne. En 1942, l’entreprise Siemens AG installa à Peenemünde le premier système de vidéosurveillance (CCTV), conçu par l’ingénieur Walter Bruch pour observer le lancement des V2. D’où ce film.
Une seconde source utilisée fait référence à la continuité entre l’entreprise allemande et le programme Apollo, avec le lancement de la fusée Apollo 11. Le 16 juillet 1969, Apollo 11 propulsa l’Homme sur la Lune pour la première fois. La vue est prise depuis la base de la tour ombilicale de lancement sur le lanceur mobile. La caméra E-8 a capturé les images sur un film 16 mm à 500 images par seconde. En temps réel, la séquence dure donc environ 30 secondes, juste après la fin du compte à rebours. Les flammes initiales résultent du dégagement de kérosène et d’oxygène liquide des réservoirs de carburant de la fusée-lanceur Saturn V et de son inflammation par des cartouches hypergoliques, qui font tourner les turbines et acheminent le carburant jusqu’aux moteurs F-1. Après avoir atteint la poussée maximale, la force dirigée vers le bas de l’échappement crée une zone de basse pression qui attire les gaz enflammés sous le véhicule et dans la tranchée des flammes. À la droite du véhicule se trouvent deux mâts de service arrière (un troisième se trouve du côté opposé de la fusée) et quatre bras de retenue à égale distance de la fusée. À T-0, les bras de maintien libèrent la fusée et les mâts de service arrière commencent à basculer dans des capots de protection. Pendant le lancement, on peut voir de la glace se former autour de la fusée (en raison de l’oxygène liquide extrêmement froid à l’intérieur). Le matériau sombre qu’on voit en train de quitter les moteurs pendant le décollage est constitué par les gaz d’échappement plus froids des turbines, éjectés par la buse du moteur, l’idée étant que les gaz plus froids agiraient comme isolant pour la buse contre les températures extrêmes du carburant enflammé. Les surfaces et les équipements de la tour ombilicale de lancement et du lanceur mobile ont été peints avec un matériau ablatif qui brûlait sous la chaleur du lancement et protégeait les surfaces sous-jacentes. Dans la dernière partie de la vidéo, ce matériau ablatif peut être vu en train de brûler. Lors du lancement, le système Water Deluge de la plateforme a déversé environ 300 000 litres d’eau sur les surfaces du lanceur mobile et de la tour ombilicale de lancement, ainsi que dans la tranchée de la flamme, afin de refroidir la plateforme et d’amortir les ondes de choc acoustique produites par l’échappement du moteur. Pendant le lancement, une grande partie de l’eau s’est évaporée sous forme de vapeur, bien qu’elle puisse aussi être vue en cascade sur la surface du tampon, dans la dernière partie de la vidéo.