Tore

Concerts pour orgue d’église et vielle à roue, amplifiés

Avec Jean-Luc Guionnet : Orgue d’église et table de mixage.

Concert en multi-diffusion réalisé live à partir d’une vielle à roue bardée d’électronique et un orgue d’église capté par des dizaines de micros. Musique oscillant entre le drone, l’électroacoustique et le bruitisme. La captation de l’orgue de l’intérieur du buffet permet de traquer des sons inusités et de restituer l’orgue au travers des enceintes sans la réverbération de l’église. Cela ouvre sur une perception totalement renouvelée de l’instrument. Avec des orgues à soufflets manuels la pression peut être contrôlée et variée en temps réel. Avec l’électronique la vielle peut imiter les timbres de l’orgue dans la recherche d’une fusion ou au contraire s’ouvrir à des envolées électroacoustiques.

Décollage d’Airbus, forges de Vulcain

Noir d’encre, musique semblant sortir de la nuit, charriant d’un passé où se mêlaient le sacré et le populaire (l’orgue d’église et la vielle à roue) l’étrangeté radicale de la dissonance. Les souffles et les frottements s’entremêlant comme de grands blocs d’angoisse. […] Une modernité qui ne s’acte pas dans le son (comme effet) mais dans une exigence d’expérience. Agrégat libertaire de sons acoustiques s’arrachant à la seule histoire liturgique et à celle des folklores revivalistes de ses instruments, il y a d’autres choses à y trouver, d’autres articulations avec les bruits de cette modernité à donner à entendre. Ces bruits sont là, dépliant le temps sur un infini, un rêve étranger aux couleurs orientales, chaos changeant mimant les principes structurels des académies contemporaines de la post-modernité ou ceux d’une certaine world music (cet aplatissement ethnocentrique de la différence à l’usage publicitaire de la marchandise). La question ne se pose rapidement plus de savoir comment la musique est faite, de quelle alchimie, force centrifuge qui transforme l’espace ou tout au moins sa perception, dans un ailleurs radical, mouvement tournant sans fin qui draine avec lui des poussières sonores modifiant les harmoniques de cette drone music des sphères et de la terre. La musique d’Eric Cordier et de Jean-Luc Guionnet est dans cette dialectique, ces deux pôles : l’air et la terre. Entre la pesanteur et la sueur, les sons qu’il faut arracher à la vielle, dans l’obstination de la manivelle à tourner, les cordes à racler, le pédalier de l’orgue à enfoncer, et le souffle des vents ascendants du saxophone, tentative d’arrachement à cet agglomérat de sons anciens. Encore une fois cette musique ne se veut pas une messe pour une nouvelle religion, une abstraction pour sortir du monde et de ses bruits, elle joue bien comme bruit politique s’opposant à la ratio commerciale qui nous vend ses technologies performantes sans quoi il n’y aurait pas de musique possible, pour dire ce passage de siècle. La modernité est là dans ce renoncement, cette résistance, ce beau bruit.
(Michel HENRITZI – Texte paru dans Revue & Corrigée, n°44 05 00)

 

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Jean Luc Guionnet

Orgue, mixage de l’orgue et dispositif de prise de son

Eric Cordier
Vielle à roue, électronique et dispositif de prise de son

 

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Concerts :

01/06/2006
Grand Palais, festival La Force de l’Art, Paris
(sans orgue au Grand Palais, ce concert s’est fait avec un Orgue Hammond soumis à un dispositif de prise de son et de diffusion équivalentes)

04/02/2005
Eglise protestante/association Fragment, Metz

 

07/08/2004
Protestantse Kerk, festival Free Music/ WIM Anvers [Antwerpen]

 

31/10/2001
Eglise de la Madeleine, Crime/Festival Kling-Klang, Lille

 

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16/11/2000
Eglise Notre Dame des Champs, Paris Vie, dans le cadre d’une exposition et à l’invitation de YLC.
Orgue Cavaillé-Coll (XIXe s)

12/09/1999
Chapelle St Louis de la Salpêtrière, Paris XIII, festival d’orgue direction Jacques Pichard.

Orgue Deslandes début XVIIIe- Suret XIXe s

 

1991-96
Enregistrements et expérimentations sans public sur les orgues suivants :
Orgue Parizot de l’église St Rémy de Dieppe (Restauré par Hubert Dupont)
Orgue de la chapelle de l’école de musique de Dieppe
Orgue de la chapelle de L’Hôtel Dieu de Honfleur (anonyme fin XVII début XVIII).

Jean Luc Guionnet et Eric Cordier, compositeurs de musique électroacoustique et improvisateurs, jouent et composent ensemble depuis 25 ans. Dans ce projet, l’orgue est abordé avec la volonté d’improviser dans une esthétique contemporaine à partir :
1°) de modes de jeux nouveaux
et 2°) des diverses possibilités de prise de son et d’amplifications qu’offre cet instrument. L’amplification vient en appoint pour donner à entendre des détails, des sons ténus habituellement cachés aux auditeurs.
Les modes de jeux :

Nous avons déjà expérimenté à plusieurs reprises divers modes de jeux comme :
– Le contrôle du souffle par interruption de la soufflerie électrique et le contrôle du débit des soufflets manuels (enrichissement en harmoniques à très faible pression, variation des enveloppes, rythmes en suspendant la sortie de l’air…)
– Le travail sur les tirasses produisant des modifications du timbre et de l’accord du clavier. L’orgue ne possédant pas de clavier dynamique, il est possible de travailler l’enveloppe comme sur tout synthétiseur (et parfois échantillonneur) en utilisant les tirasses pendant le jeu. On opère alors une variation continue de l’arrivée du vent, de rien au maximum.
L’accord d’un clavier avec une ouverture partielle des tirasses compensées en intensité par l’amplification, permet d’obtenir simultanément deux claviers avec des gammes décalées.

Le même genre d’intervention est possible sur harmonium en contrôlant la pression de l’air avec les pédales, et le déplacement du clavier mis entre deux registres.

Certains morceaux nécessitent la présence des deux musiciens à l’orgue pour la manipulation des soufflets, lorsque c’est possible.

Vielle à roue
La parenté avec l’orgue est évidente à tel point que furent créés des instruments hybrides d’orgue et de vielle au IXe s, la vielle organisée. La vielle à roue a en commun avec l’orgue de pouvoir générer un son continu, d’utiliser des bourdons et de créer des accords complexes (elle dispose de 7 cordes pouvant fonctionner en même temps, sans compter les cordes sympathiques).
La relation entre les deux instruments s’exprime également dans une fusion des timbres.
Les traitements électroniques appliqués à la vielle à roue ainsi que la préparation de l’instrument (au sens de piano préparé) permettent de décupler ses possibilités.

La prise de son :
La prise de son assurée par l’emplacement des micros est aussi importante que le jeu instrumental. L’improvisation est l’occasion d’une dissection acoustique des instruments et la forme que prend la musique dépend pour une grande part des détails et des qualités sonores que révèle la prise de son. Nous retrouvons dans l’improvisation, une particularité de la composition électroacoustique : le recours à une source sonore dont l’ordre intérieur engendre la matière musicale, la construction s’élaborant toujours dans un aller-retour de la source au geste instrumental.
Exemple d’emplacements des micros : à l’intérieur du buffet pour saisir le souffle de l’air, craquements des soufflets (idem pour l’harmonium), tringles du clavier et des tirasses. L’intérêt de tous ces bruits n’est ni le bruit en soi, ni d’être écouté comme simples curiosités, mais d’être utilisés pour reconstruire une unité dans la production des sons par des instruments traditionnels.
Pour l’auditeur, le résultat le plus spectaculaire est la restitution de l’orgue en stéréophonie dans une grande proximité, atténuant la réverbération de l’église.
Notre parcours électroacoustique nous permet d’assurer cette partie technique, mais pour certains concerts, nous avons été assisté par Pierre Henry Thiébaud ou Arnaud Pichard

S’il nous est laissé le choix de l’instrument, nous préférons un orgue baroque plutôt qu’un orgue du XIXe siècle, et un orgue de petite taille (ou une église de petite taille) plutôt qu’un grand (ou une grande).
Diffusion sonore

Nos prochains projets de concerts visent à ajouter au concert classique, une spatialisation du son dans l’espace autour des spectateurs. Il s’agit d’appliquer la technique de multi-diffusion de la musique électroacoustique à un concert instrumental. Le but est de donner à entendre les détails des instruments avec plus de précision en les répartissant dans l’espace.
Eric Cordier & Jean Luc Guionnet

Musiciens et plasticiens diplômés de l’université de Paris I, ils ont effectué le début de leur parcours universitaire ensemble du Deug au DEA en Esthétique : arts-plastiques, philosophie et musique.

Compositeurs de musique électroacoustique, ils ont composé une dizaine de pièces électroacoustique ensembles et réalisé une vingtaine de performances (Action, Body-Art) en France et en Europe, sous le nom de Nadir.
Ils ont été compositeurs résidant à La Grande Fabrique (Dieppe) de 1993 à 1997.
Ils ont réalisé avec Eric La Casa plusieurs émissions musicales pour France Culture qui ont ensuite été éditées en CD aux USA, il s’agit du projet AFFLUX, dispositif électroacoustique développant un ensemble d’interactions en direct, mettant en relation trois compositeurs, simultanément reliés avec un site. Différents sites ont été explorés : un ruisseau, une autoroute, un port, la marée, une raffinerie de pétrole et une gare.